Vœu de silence

Japon. Première moitié du 14ème siècle. Un monastère perdu dans la montagne.

Quatre moines zen ont décidé de faire un vœu de silence absolu.

Ils sont installés en zazen. La nuit est venue. Le froid est vif.

« La bougie s’est éteinte ! dit le plus jeune des moines.

- Tu ne dois pas parler ! c’est un vœu de silence TOTAL ! fait observer vertement le plus sévère des moines.

- Pourquoi parlez-vous au lieu de vous taire, comme nous en étions convenus ! remarque avec humeur le plus âgé des moines.

Quelques instants plus tard, un sourire de satisfaction sur les lèvres, le quatrième déclare :

- Je suis le seul qui n’ait rien dit... »

Cité par Henri Brunel dans "Les plus beaux contes zen"

Mes petits-fils

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Un matin au cours duquel je les gardais :

« Mamou, au fait, on n'connait pas ta maman, on n'l'a jamais vue. Pourquoi ?

- Parce qu'elle a fini de vivre depuis longtemps.

- Ah oui, elle est morte.

- Oui.

- Tu sais, les morts sont dans les étoiles.

- Oui.

Un des deux enfants descend de sa chaise, s'approche de moi et me prend la main :

- Tu sais, ne t'inquiète pas, ta maman est dans une étoile. »

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Claire Garnier - Sur la route de Parkinson

Marcher

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A présent que revenir s'accomplit, il faut marcher. Marcher pour oublier la souffrance, pour oublier cette solitude étrange qui m'échoit au soir de mes lampes, à l'âge du ralenti sur image et du besoin d'être deux. Marcher pour que le chagrin se dissolve dans le mouvement des jambes et le relâchement du cerveau, la lenteur des arbres, la gaieté des oiseaux. Marcher jusqu'au bout de soi-même, jusqu'au rouge de la fatigue, de l'étourdissement, marcher jusqu'au sang. Et puis marcher pour écrire, écrire en marchant. Marcher pour écrire sur la terre la trace invisible de mes pas, écrire pour marcher dans le rêve des mots qui illuminent la vie. Ecrire et marcher sont les deux pierres d'une même meule pour moudre le grain du langage.

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François Folscheid - Ombres et lueurs de l'involuté

Jardins

 

Aux portes des jardins, les chênes ont poussé.

Leurs hautes branches abritent un peuple d’oiseaux ;

Le chat jamais, dans ces branches si hautes,

Ne pourra les atteindre, ni croquer leurs nichées.

 

A la porte du jardin, un grand chêne veille.

Le soleil du matin le perce de ses éclairs,

Les passants du bois foulent la terre jonchée de vert,

Mais ne voient rien des tulipes écarlates, merveilles.

 

Derrière la porte-fenêtre qui voit le jardin,

Une armoire veille, chairs de chêne et de noyer ;

Elle entend les oiseaux chanter, le vent passer,

Le séjour revêt le désordre du matin.

 

Adossé à l’armoire, face aux chênes , au jardin,

Je porte le café amer à mes lèvres ;

A la radio, des notes délicates s’égrènent,

Je bois le silence habité des lieux, serein.

Noël Brossier - Mars 2004

Haïkus

Rides sur mes paupières
Dessinent les aventures
Que je traverse

Demain vers hier
Mêler mon âme aux nuées
Boire l'éternité

La sève dans l'arbre
Comme le sang dans mes veines
S'écoule en silence

Mon jardin d'amour
Tes fruits sont mes lendemains
Poème à manger


Hélène d'Hervilly